Le mariage fut quelque peu retardé. En réalité, plus le temps passait, plus Tonia se posait des questions. Il n’était pas le premier homme dans sa vie. En réalité, elle en avait connu plus d’un avant lui, et avant que leur relation ne devienne sérieuse. Sauf que voilà, elle avait des doutes. Qui plus est, Matty passait de plus en plus de temps au boulot, ce qui avait tendance à lui taper sur le système. Un soir, dépitée parce que son compagnon n’était toujours pas de retour à près de 23 heures passées, elle décida de sortir, et d’aller boire un verre. Elle avait besoin de voir du monde, de ne pas broyer du noir seule. Elle était assise au bar, buvant Gin Tonic sur Gin Tonic. « C’est quoi pour vous ? » Tonia releva la tête en fronçant les sourcils et découvrit un jeune homme assis à côté d’elle. « Pardon ? » « Vous voyez la blonde là-bas ? Elle est là parce que son frère est mort. Et la rousse à côté est là pour se remettre d’une rupture. La blonde, elle, est là pour draguer. » Le jeune homme montrait du doigt les demoiselles en même temps qu’il parlait d’elle, et le regard d’Antonia faisait de même. « Alors, vous c’est quoi ? » dit-il en la regardant de ses beaux yeux ténébreux qui lui firent un drôle d’effet. Un effet dont elle n’avait absolument plus l’habitude. Elle regarda sa bague de fiançailles, et la tournait nerveusement autour de son doigt. « Le doute. » Elle haussa lentement les épaules, en arrêtant de triturer sa bague et en reprenant son verre pour en boire une nouvelle gorgée. « Un mari qui tourne mal, j’en étais sûr. » « Pardon ? » « Ça se voit que vous n’êtes pas heureuse. »  « Tant que ça ? » Il hocha la tête en buvant lui aussi une gorgée de son verre. « Comme le nez au milieu de la figure. » Tonia grimaça alors. Si ça se voyait tant que ça, pourquoi son fiancé était-il incapable de s’en rendre compte ? Telle était la question. « Pourquoi s’acharner si ça ne marche pas ? » Elle eut envie de lui répondre pour la troisième fois la même phrase, à savoir ‘pardon’ mais elle se contenta de le regarder les yeux écarquillés. « J’dis ça pour vous, bien sûr. » « Bien sûr, et pourquoi ne pas le tromper, tant qu’on y est ? » « Si ça peut vous faire ouvrir les yeux, et vous rendre heureuse, pourquoi pas ? » Tonia ouvrit grand la bouche, et le regarda éberluée. « Vous n’êtes pas sérieux j’espère ? » En guise de réponse, il termina son verre cul sec, et se mit à sourire avant de s’éloigner et de se diriger vers la porte, laissant la demoiselle pantoise. « Et je ne suis pas mariée ! » Tout du moins pas encore.

« J’ai comme l’impression de vous avoir déjà croisée quelque part… » La blondinette leva la tête avant de se retrouver face à face avec le type du bar. « Encore vous ? » lâcha-t-elle en introduisant son marque page dans son livre. « C’est étrange de vous croiser en plein jour. » « Je ne suis pas un vampire, vous savez. » La demoiselle ne put s’empêcher d’éclater de rire. « Je peux ? » dit-il en désignant la place libre à côté de la blonde. « Tout dépend… Vous comptez encore me proposer de tromper mon fiancé avec vous ? » « C’est possible. » « Dans ce cas non. » répondit-elle le plus sérieusement du monde. « Et si je promets de me comporter convenablement ? » Tonia fit mine de réfléchir quelques instants, comme s’il venait de lui poser une énigme des plus sérieuses. « Dans ce cas, je vous en prie. » Un large sourire s’afficha sur son visage. Il la remercie rapidement, en faisant la discussion, et en commença par l’interroger sur sa lecture en cours. Ils papotèrent de la sorte quelques minutes. « Au fait, puis-je connaître votre prénom ? » « Tonia. » lâcha-t-elle simplement. « C’est un diminutif ? » « Mm… À vous de voir. » répondit-elle sur un air angélique. « Malheureusement, je vais devoir vous laissez. Ma pause déjeuner se termine d’ici quelques minutes. » La demoiselle le salua avant d’aller travailler. Ceci dit, le jeune homme qu’elle avait laissé derrière elle parut surpris et surtout… perplexe.

Ils se revirent plusieurs fois par hasard. Tout du moins, c’était ce qu’il semblait. Allez savoir si le jeune homme ne l’avait pas fait exprès dans le but de la revoir ? Elle ne le saurait sans doute jamais… Quoi qu’il en soit, elle avait enfin apprit son nom également. Sidney. Ça lui allait plutôt bien, elle devait l’avouer. A chaque fois qu’ils se revirent, Sid tentait encore de la séduire, et de la convaincre de finir dans ses bras. C’était à la fois agaçant et… perturbant. Elle ne s’était plus sentie désirée de la sorte depuis un moment. Car Matty avait toujours la tête dans son boulot. Il cherchait à obtenir une promotion, à devenir plus haut gradé. Et pour cela, il y mettait toute son énergie, laissant quelque peu Tonia de côté. « Alors, Tonia ? » « Alors quoi, Sid ? » répondit-elle en entrant dans son jeu. « Tu vas l’épouser ? » « Sid, je me marie demain. Bien sûr que je vais l’épouser. » « Tu n’es pas heureuse. » « C’est provisoire. C’est pour nous qu’il fait ça. Et puis, ça ne te regarde pas. » Sidney resta silencieux quelques instants. « Tu ferais mieux d’arrêter de lui chercher des excuses et d’ouvrir les yeux, Tonia. » Le jeune homme quitta la pièce après cette réplique, laissant la blonde sous le choc et des doutes encore plus présents que jamais. Qu’avait-il voulu dire ? Qu’avait-il insinué ? Est-ce que… Mais Antonia chassa rapidement cette pensée, et se concentra sur son mariage à venir.

Le grand jour était enfin arrivé. Tonia se retrouvait devant le fameux miroir, dans sa magnifique robe de mariée. Mais les doutes étaient encore présents dans son estomac. Merde alors… Elle tentait de les chasser une énième fois en se regardant dans ce miroir. On aurait dit une scène d’un film romantique. D’ici quelques minutes, elle allait épouser Matty. Elle deviendrait sa femme. Et voilà que l’angoisse au fond d’elle la tirailla à nouveau. C’était pénible à la fin. Toc. Toc. Toc. « Entrez. » lâcha-t-elle sans vraiment réfléchir. « Sauf si c’est toi Matty. Ca porte malheur. » ajouta-elle rapidement avant de voir la porte s’ouvrir. Son frère ? Sa sœur ? Ses parents ? Qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit Sid dans le miroir. « Sidney ? » demanda-t-elle en se retournant vivement. « Qu’est-ce que tu fiches ici ? » La question était légitime puisque le jeune homme n’était pas franchement invité au mariage… « Ne l’épouse pas Tonia. » « Quoi ? » « Tu n’es pas heureuse et tu ne le seras pas plus demain. » « Mais… Qu’est-ce que tu en sais Sid ? » « Pars avec moi. » Antonia resta stupéfaite suite à cette réplique. Avait-elle bien entendu. « Pars avec moi Tonia. On ira où tu veux, mais loin d’ici, loin de tout. On pourrait être heureux. » « Mais… A quoi tu joues bordel ! » « Je t’aime Antonia. » Ce coup-ci, elle resta muette. « Pars avec moi. » dit-il en lui tendant sa main. Elle resta immobile quelques instants, regardant tantôt la main de Sid, tantôt ses yeux. C’était tentant, quand même. Parce qu’elle devait avouer qu’elle n’était pas insensible à Sid. Parce qu’à force qu’il lui fasse la cours pendant des mois, elle avait craqué. Et tôt ou tard, elle aurait succombé. « Pars avec moi. » répéta-t-il pour la énième fois, tandis qu’elle attrapa sa main, et qu’ils s’en allèrent à toute vitesse.

« On va où ? » demanda-t-elle tandis qu’elle s’installait dans la voiture du jeune homme. « Loin, très loin. » « Laisse-moi chercher quelques affaires d’abord. » « Je m’en suis déjà occupé… » « Comment t’as fait ça ? » « Secret défense. » lâcha-t-il en souriant de toutes ses dents. « En Caroline ? » « Laquelle ? » « Qu’importe, dans tous les cas, c'est loin. » Ainsi commença le road-trip du duo. Ils passèrent leurs nuits dans des petits motels, se découvrant enfin sous toutes leurs coutures, tandis que le téléphone de Tonia ne cessait de sonner. C’était compréhensible, en même temps. Mais ce n’était pas comme si ça avait été réfléchi. Sid s’était seulement pointé, et elle était partie avec lui. Sans compter qu’elle n’avait aucune envie de s’expliquer. Ni avec Matty, ni avec sa famille. Même pas son frère, ni sa sœur. Elle leur devait des explications, elle s’en rendait bien compte, mais… pas maintenant. Maintenant, elle profitait. Elle se sentait revivre en compagnie de Sid. Il avait ce que Matty n’aurait jamais : le sens de l’aventure. Avec lui, des dizaines de promesses d’aventures se dessinaient à l’horizon. Sauf qu’il l’avait peut-être un peu trop. Un soir, tandis qu’ils venaient de s’arrêter dans une chambre d’hôtel au Texas et que Sidney était à la douche, son téléphone se mit à sonner. Par curiosité, Tonia alla voir qui l’appelait. Sans décrocher pour autant, bien sûr. Elle vit une photo d’une demoiselle, ainsi qu’un prénom. Une fois que la demoiselle eut raccroché, elle tenta de joindre Sidney par sms. La curiosité de la blonde l’emporta. Elle vit s’afficha le nom de la demoiselle, ainsi que des messages… drôlement étrange. « Chéri ? » « Je t’aime ? » C’était quoi ce gros délire. Et puis, elle réalisa. Il s’était bien foutu de sa gueule, celui-là. Sans même réfléchir plus amplement, elle attrapa ses affaires, ainsi que la clé de la voiture de Sid, et sortit de la chambre. Le con ! Il avait une copine ! Il s’était bien foutu de sa gueule. Pourquoi avait-elle été aussi conne elle-même ? Pourquoi l’avait-elle suivi ? Pourquoi avait-elle laissé Matty en plan ? Et surtout, pourquoi n’avait-elle pas réalisé qu’il y avait anguille sous roche ? Elle se maudissait… Aussi, elle vola la voiture de Sid et reprit la route, seule, pour la Caroline, réalisant qu’elle ne pourrait de toute façon plus revenir en arrière. C’était trop tard, maintenant.

Quatre mois avaient passé depuis. Quatre mois qu’elle avait planté Matty devant l’autel, et Sidney à l’hôtel. Le jeu de mot était assez drôle, et surtout involontaire, mais c’était pourtant véridique. La blonde avait fini par roulé pour la Caroline, s’arrêtant à Jenham, par le plus grand des hasards. Parce qu’elle avait craqué pour cet endroit. Parce qu’il lui semblait être le meilleur pour recommencer à zéro. Sauf qu’elle avait été loin d’imaginer que Sid aurait le toupet de la retrouver ici. Et elle avait été encore plus loin d’imaginer que Matty retrouverait sa trace…