~ Welcome to life.

Ainsley est née à Jenham, il y a 22 ans. Sa mère l'a mise au monde au beau milieu de la nuit, alors que le vent soufflait à l'extérieur. Sa mère, la seule personne constituant sa famille depuis sa naissance. Son père, lui, d'après sa mère, était mort dans une fusillade, qui avait eu lieu à la supérette où il travaillait. Elle connaît peu de choses de lui. Tout le long de sa vie, elle n'a vu que quelques photos en noir et blanc, posées sur la table du salon, à côté des cendriers remplis et des trousseaux de clés. Même le frère de sa mère n'a pas pu remplacer ce « vide », comme ils disaient. Mais pour Ainsley, ce n'était pas un vide. Elle n'avait jamais connu son père, et n'avait pas non plus connu le sentiment de le perdre, elle n'avait pas connu la tristesse, ni la souffrance et la déchirure. C'était sans doute une mauvaise pensée, mais elle était honnête. Une personne que l'on ne connaît pas ne peut pas nous manquer. Si ?

Parfois, elle jouait au milieu de la rue avec les enfants de son quartier. Ainsley et sa mère ne vivaient pas dans un quartier luxueux, mais elles ne vivaient pas non plus dans la misère. Sa mère travaillait en tant qu'infirmière dans un hôpital. Elle travaillait souvent la nuit, alors Ainsley était souvent gardée par des voisins. Elle n'aimait pas cette situation, elle ne comprenait pas. Sa mère n'était pas proche d'elle, elle ne la considérait pas comme un enfant, elle ne l'embrassait jamais, ne la serrait jamais dans ses bras. Ainsley ne savait pas ce qu'était l'amour. Quelques fois, elle avait droit à un cadeau peu coûteux. Mais c'est en grandissant qu'elle comprit.

« Lâche cette bouteille, maman, ça suffit. ». Ainsley venait de surprendre sa mère en train de s'enfiler une bouteille de whisky. Et ce n'était pas la première fois. Cela faisait à peu près six mois, que sa mère était tombée dans ce cercle vicieux. « Tu as des devoirs à faire, Ainsley, et puis, .. ». Sa mère sentait l'alcool à plein nez. Ainsley lui prit la bouteille des mains. « Maman, tu peux pas faire ça. Tu sais que ça ne se finira jamais. Tu le sais, n'est-ce pas ? » « Je m'en fou...J'ai envie de boire, alors je vais boire. ». Ainsley échappa un soupir, tout en regardant sa mère. Elle était une épave, et c'était le résultat de la fusillade. « Non, maman, c'est terminé, tout ça. Tu es faible, et tu ne peux plus l'être. Tu me déçois. Tu ressembles à une épave !». Quelques secondes après, elle sentit la main de sa mère claquer après sa joue bruyamment. « Tu n'as pas ta place ici, sale gamine ! Tu n'es pas ma fille ! Tu n'es rien du tout ! ». Ainsley comprit enfin. Sa mère ne l'avait jamais acceptée. Elle n'avait jamais pu accepter d'avoir un enfant sans son compagnon. Elle n'avait jamais accepté d'élever un enfant dans ces conditions. La jeune femme comprenait enfin pourquoi elle avait été rejetée toutes ces années, pourquoi elle avait ressenti un tel manque d'affection et d'amour. Sa mère ne l'aimait tout simplement pas. Elle ne la considérait même pas comme sa propre fille.

Ainsley n'avala pas cette dispute, cet aveux. Pendant des mois, elle ne regarda plus sa mère, elle ne lui adressa même pas la parole. Elle l'ignora totalement, et ce, sans aucun souci. Passer à côté d'elle sans même lui jeter un regard était une habitude. Quand elle rentrait, elle partait directement dans sa chambre, et puis elle se faisait ses propres repas, pour elle seule. Pourquoi se soucier de quelqu'un qui ne se souciait pas de nous ? A cette époque, elle avait 16 ans, et avait vécu sa première rupture. Elle avait voulu avoir quelqu'un à qui se confier, elle avait voulu lui dire qu'il s'appelait Tommy, qu'il était brun, aux yeux bleus, et qu'il était sympathique, mais qu'en secret, il se tapait une des pompom-girls, et en plus, il en était fier. A cette époque, elle aurait voulu lui dire que ce n'était pas si simple d'avoir de bonnes notes avec cette ambiance à la maison. Elle aurait voulu lui dire qu'elle s'était fait des amis, et qu'elle aimait sortir avec eux. Mais sa mère n'en avait que faire. Et cela laissa une profonde blessure dans son cœur d'adolescente. Au fond, elle ne sait toujours pas ce que signifie le mot « famille ».

Dès ses dix-huit ans, elle quitta le foyer, pour s'installer dans une résidence étudiante. Et ce fût un changement considérable pour elle. La bonne humeur remplaçait la haine qui s'était installée progressivement à la maison. Elle avait laissé sa mère, pour être avec ses amis, qu'elle considérait comme sa véritable famille. Ainsley n'a jamais regretté ce choix, à vrai dire. Ce fût un tournant majeur dans sa vie. Ainsley s'était toujours destinée à une carrière de journaliste, ou même d'écrivain, et c'est avec beaucoup d'entrain qu'elle intégra la filière « littérature » à la fac. Elle était dans son élément, se sentait bien. Son imagination pouvait prendre le dessus lorsqu'elle rédigeait un texte, et elle pouvait puiser dans son expérience. Ainsley était une jeune femme plutôt renfermée, timide, qui n'approchait pas beaucoup les gens, mais elle savait s'amuser, et elle avait de l'humour. Aujourd'hui, elle est toujours la même, mais en plus réaliste, et plus mature. A l'époque, elle sortait avec peu de garçons, ayant eu le cœur brisé par ce Tommy. Et puis, elle ne pouvait pas comparer une amourette d'adolescent au grand amour, celui avec un grand « A ». Après tout, elle ne savait pas ce qu'était l'amour. Était-ce penser à quelqu'un sans permanence, vouloir être à ses côtés pendant toute sa vie ? Était-ce ressentir ces petites palpitations et ces papillons dans le ventre ? Était-ce tout quitter à la demande de cette personne ? Elle se posa des tas de questions.

~ Welcome to hell.

Et puis, durant sa quatrième année, Ainsley vécut quelque chose de traumatisant, elle-même ne pouvait pas le qualifier. Un viol. En rentrant d'une soirée étudiante seule, un autre étudiant l'avait abordée, à moitié bourré. Et elle, comme une idiote, s'était faite avoir. Elle était innocente à cette époque, naïve, même. Elle ne s'était pas rendu compte que ce mec lui voulait du mal, et que son désir était de la mettre dans son lit, et ce, de force. Elle ne se rendit pas immédiatement compte de ce qui se passait. Mais elle comprit enfin,  une fois seule, accompagnée de sa tristesse et de son cœur vide.

Après cet événement, elle ne fût plus jamais la même. La gentille petite Ainsley était maintenant méfiante, peu marrante, et très réticente à parler aux gens. Bien sûr, elle parlait toujours à ses amis, mais se méfier des inconnus, et plus particulièrement des garçons, était son quotidien. Dès qu'elle croisait le regard d'un homme, elle baissait les yeux. Peu de gens étaient au courant. Une personne, juste une personne seulement, sa meilleure amie. Elle se confia à elle, et craqua dans ses bras pendant de longues heures. Ce n'était pas facile, c'était douloureux et horrible. Elle revivait chaque moment dans son sommeil, et lorsque ses pensées s'évadaient un peu.  
Mais Ainsley savait que quelques personnes étaient là pour la soutenir, sans savoir ce qu'elle traversait réellement. Un de ces profs d'ailleurs, un bel homme, avait attiré son attention. Il remettait sans cesse Ainsley à sa place en cours, mais au fond, il l'aimait bien. Et lorsqu'ils discutaient en dehors, elle appréciait les conversations. En fait, ce prof l'intriguait. Il était jeune, et plutôt charmant. Elle craquait un petit peu pour lui, il fallait l'avouer. Mais il n'y avait rien de plus.


Ainsley fût tellement traumatisée qu'elle rata brillamment ses examens. Sa carrière d'écrivain vola en éclat brutalement. Au revoir, les histoires, au revoir, les beaux livres. C'était son rêve, et tout était gâché à présent. Alors elle déménagea dans un petit appartement, et elle trouva un travail dans un petit pub. Elle ne pouvait plus accomplir ses rêves, elle n'avait pas décroché son diplôme, elle n'avait rien. Ainsley ne savait plus quoi faire de sa vie. Cela fait à présent un an qu'elle cherche sa voie, mais elle sait pertinemment que cela ne sera pas facile. L'amour ? Très peu pour elle, aussi. Pour le moment, elle ne veut pas y penser, même s'il faut l'avouer, ce prof, qu'elle voit régulièrement, lui fait toujours autant d'effet.